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Acide pélargonique, herbicide dessicant

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Spectre d’efficacité et cultures envisageables

Propriété s  : l’acide pélargonique, appelé également acide nonanoïque, acide pélargique ou acide nonylique, est une substance naturelle aux effets herbicides sécrétée par le pélargonium (notamment Pelargonium roseum ), d’où provient son nom. Ce produit est également obtenu par extraction naturelle d’huile de colza grâce à un procédé de fracturation mécanique (sans ajout de solvant chimique).

Mode d’action et cibles : doté de propriétés dessicantes et défanantes, il agit par contact sur les tissus végétaux, mais n’a aucune action systémique ou anti-germinative. Il traverse la couche cireuse de l’épiderme des feuilles et détruit les membranes cellulaires épidermiques des dicotylédones comme des graminées. C’est un défoliant non sélectif des cultures, mais son efficacité se limite aux parties aériennes des plantes. Il n’altère pas les organes de réserve (bulbes, drageons, racines tubérisées, rhizomes, stolons, tubercules…) des adventices vivaces herbacées (amarante couchée, bryone dioïque, chiendent rampant, chardon des champs, garance voyageuse, liserons, oseilles sauvages, ortie dioïque, oxalis, prêle des champs, renoncule rampante, renouée du Japon, trèfles…) ou ligneuses (ailante, buddleia, ronce…). Cet effet partiel de post-levée peut conduire à réaliser 2 à 4 applications par an pour un coût plus élevé qu’avec certains désherbants conventionnels.

Principales cultures concernées : on peut l’appliquer au pied des plantes cultivées à condition de ne pas toucher les parties vertes. Ses utilisations en traitement dirigé ou localisé par tache avec un cache antidérive sont nombreuses sur les cultures installées : arbres et arbustes en plantations de pleine terre, rosiers de pleine terre, cultures fruitières, bananier, bulbes à fleurs d’ornement, cultures florales, plantes à petits fruits (ne pas utiliser sur jeunes pousses de framboisiers et autres Rubus), cultures légumières, plantes à parfum et aromatiques non alimentaires, gazons de graminées contre les mousses. L’acide pélargonique est également autorisé dans la catégorie des « traitements généraux » pour le désherbage avant mise en culture et en zones non agricoles pour le traitement herbicide des allées de parcs et jardins, cimetières, cours, trottoirs gravillonnés, aires de jeux stabilisées et voies de communication.

Efficacité : son action est rapide lorsque la pulvérisation est réalisée de façon homogène, sur une végétation sèche, à la limite du point de ruissellement (800 à 1 000 litres/ha, selon la hauteur et la densité des adventices). Il ne faut que 2 heures seulement pour percevoir les premiers effets visibles lorsque la dose d’utilisation est respectée, avec des températures de 15 à 25 °C, en l’absence de vent et sans pluie, dans les 2 heures au minimum après l’application, idéalement 12 heures. La relative fugacité de l’acide pélargonique permet de semer et replanter à partir de 3 jours après l’application, même si les herbes ne sont pas totalement desséchées.

Facteurs d’efficacité : on obtient le meilleur résultat herbicide lorsque la pulvérisation est réalisée sur des adventices jeunes en pleine croissance, entre les stades 1 à 4 feuilles, principalement des espèces annuelles, dont la hauteur ne dépasse pas 10 centimètres. Au-delà, il faut procéder à une seconde application 10 à 15 jours plus tard. En revanche, il est impossible de détruire des plantes vivaces une fois qu’elles sont implantées. Il convient d’ailleurs de se méfier du risque d’inversion de flore, car l’application régulière de l’acide pélargonique, dont l’efficacité se limite à une partie de la flore indésirable, peut favoriser l’enherbement d’un lieu par un petit nombre d’espèces devenant difficiles à éliminer.

Expérimentations : de nombreux essais ont permis de tester l’efficacité herbicide et l’intérêt technique d’utiliser l’acide pélargonique. Par exemple, en horticulture ornementale, l’ASTREDHOR Loire-Bretagne (Arexhor Pays de la Loire) a mis en évidence en 2012 des efficacités très acceptables aux alentours de 90 % pour le contrôle des adventices. Les notations après traitement ont démontré que le désherbant agissait à la fois sur les plantules, mais aussi sur des adventices plus âgées. L’institut technique a conclu que ce produit de biocontrôle plus respectueux de l’environnement et des conditions de travail des employés, d’un coût acceptable, pouvait représenter une bonne alternative aux produits chimiques de synthèse. Pour sa part, l’ASTREDHOR Seine-Manche (Arexhor Seine-Manche) a montré en 2014 un effet généraliste du produit sur diverses mauvaises herbes, mais de très courte durée. Au bout de 3 jours, la flore adventice avait repoussé. La conclusion de l’essai indique une efficacité insuffisante de l’acide pélargonique pour remplacer la référence conventionnelle testée (glyphosate + pyraflufen-éthyl). Pour le contrôle alternatif des adventices sous abris, l’ASTREDHOR Sud-Ouest (GIE Fleurs et Plantes) a publié un rapport d’essais réalisés en 2014-2015. L’acide pélargonique a obtenu des résultats intéressants, équivalents voire supérieurs au témoin chimique de synthèse (glufosinate-ammonium), en affichant une réduction de l’enherbement de 70 à 95 % après 2 applications. Les expérimentateurs précisent qu’il faut cibler les jeunes stades d’adventices pour garantir une efficacité maximale et renouveler l’application après 14 jours pour maintenir un taux d’enherbement acceptable. À noter qu’une inversion de flore s’est produite en fin d’essai sur les parcelles de référence traitée avec le défoliant chimique de synthèse, conduisant à une recrudescence de souchet, pâturin et cardamine. La deuxième année d’essai a montré que le produit à base d’acide pélargonique et d’hydrazide maléique affichait des efficacités supérieures au produit de référence conventionnel. Mais lors de fortes densités d’adventices, l’efficacité des différents produits se trouvait réduite, la flore déjà développée pouvant repartir de la base après traitement, l’action des produits ne dépassant pas 2 semaines en général.

Toxicologie et respect de l’environnement : ce produit est classé Xi (irritant pour la peau, les yeux, les voies respiratoires). Il doit être conservé dans un local aéré, frais et à l’abri des matières oxydantes et des sources d’ignition, car il est inflammable. Lors de la manipulation de l’herbicide, utiliser un masque respiratoire à cartouche filtrante, porter des vêtements de protection, ne pas boire ni manger pendant le traitement. Une fois que le produit a séché (compter environ 6 heures), les animaux domestiques peuvent fréquenter la surface traitée. Pour protéger les organismes aquatiques, ne pas traiter à moins de 5 mètres d’un point d’eau (puits, bassin, mare, ruisseau, rivières…), ni sur des sols pentus, damés ou des surfaces imperméables situées à proximité d’eaux de surface. Pour protéger les eaux souterraines, appliquer ce produit uniquement de mars-avril à août-septembre pour les usages autorisés sur des surfaces perméables.

Jérôme Jullien

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